O Mort tresorrible et hideuse,
Qui a plusieurs es despiteuse
Et pou piteuse,
Sur mon corps vueilles tout estandre
Ta puissance sans plus actendre
Pour finer ma vie anuieuse !
De tant vivre trop fort me dueil,
Mais c’est du tout oultre mon vueil,
Dont dire vueil
Que bien bref te fault consentir
De m'avancer de mon sarcueil :
Sans [de] moy faire aulcun racueil,
Fine mon dueil,
Et me fais tous tes maulx sentir ;
N’a qui tu soyes gracieuse,
A moy vueilles estre oultrageuse
Et hayneuse,
Sans nulle part riens entreprendre ;
Fais ton explet sans te mesprendre,
Puis qu'en gré prendre
Vueil ta sentence termineuse,
[O] Mort [tresorrible et hideuse]
Les noms des Bretons Eustache d'Espinay (frère de l'évêque de Rennes, Jacques d'Espinay) et de Jehan de Loyon apparaissent à plusieurs reprises dans le manuscrit Paris, BnF, Fr. 9223, un recueil de rondeaux, et son également liés par leurs fonctions, apparaissant ensemble dans plusieurs comptes de la Maison de Bretagne à la fin du XVe siècle. Jehan de Loyon, auteur de la bergerette ci-dessus, composa également un rondeau dans le cadre d'un jeu poétique organisé autour du vers "Pour acquérir honneur et pris" :
Pour acquérir honneur et pris,
Debvons tous aux dames complaire,
Sans aulcunement leur desplaire,
Affin que n'en soyons repris.
Quant a ma part, j'ay entrepris
A les servir, sans me forfaire,
[Pour acquérir honneur et pris.]
Leur grant bonté, qui est sans pris,
Sy nous est [d']honneur l’examplaire ;
Ceulx qui pourchassent leur contraire,
N'ont ilz pas grandement mespris,
Pour acquérir [honneur et pris ?]
Plusieurs des membres de la famille de Loyon (armes = écartelé aux 1 et 4
d'argent, au lion de gueules, aux 2 et 3 de gueules, au
d'argent) furent au service des ducs de Bretagne. Un aveu de la Chambre
des Comptes de Nantes (ADLA B 2337) faisant état du dénombrement des terres,
maisons, manoirs, rentes, fiefs, droits réels et honorifiques tenus noblement
du duc et du roi, dans le ressort de la sénéchaussée de Vannes, fait mention
des manoir et lieu noble de Bois-Mourault, possédé par Thomasse de
Pluherlin, fille de Jeanne de « Boaismoraut »,
décédée le 22 juin 1453 (1454), Jean de Loyon, fils de la dite
Thomasse, écuyer tranchant du Duc (1463), Arthur de Loyon, son
fils (1484), Madeleine Péan, veuve d'Odet de
Loyon et leur fils François (1518 et 1525). Ainsi se
déroule toute la généalogie des Loyon. Notre Jehan de
Loyon rendait lui même aveu en 1460 "à la dame de Malestroit et de
Largouët, pour une tenue au village de Talhoët en Saint-Nolff et pour une tenue
à Ploëren" (Archives du château de KERGUEHENNEC).
C'est sans doute lui qui fut dès 1445 "écuyer et enfant de la chambre du duc" .
En 1462, il est institué "sousgarde des forêts de Montcontour", et quatre plus
tard il devient premier écuyer tranchant du duc de Bretagne, François II
(1458-1488). Mais son ascension ne s'arrête pas là : en 1472 il reçoit les
offices de "conneztable de la ville de Vennes et Garde de la librairie
du Duc". (Paris, BnF, Fr. 22318, p. 6). Cette dernière
affectation nous parait inédite. Diane
Booton, dans son récent ouvrage Manuscripts, Market and
the Transition to Print in Late Medieval Brittany (Ashgate Publishing
Ltd., 2010) a relevé par exemple 7 ouvrages manuscrits ayant appartenu au duc
François II. Au reste, en 1455, le duc attestait
De même, nous avons publié dans nos Notes de bibliologie (p. 167-170) l'inventaire de la "librairie" de la duchesse Marguerite de Bretagne en 1469."avoir reçeu de Jamin Couedor varlet de chambre et de gardrobe du feu Pierre (= Pierre II, duc de Bretagne) plusieurs especes de meubles qui luy avoient esté baillez en garde, entre chose ... plusieurs livres dont entre autres et le premier se commance par Valerius Maximus en lettre verm[eille?] et couvert de satin violet, le livre de Meluzine et ung aut[re] qui parle de fortunes d'amours, et le gras et le maigre ... lesquelz dits meubles fur[ent] laisser en garde de son escuyer Couedor ..." (Inventaire Turnus brutus, Nantes, ADLA B 12838, n° 636) - Renseignement communiqué par Michael Jones. "Fortunes d'amour" (le débat des deux fortunés d'amour), "le gras et le maigre" (le débat du gras et du maigre) sont des oeuvres d'Alain Chartier)
Mais jusqu'à présent cette office de garde de la librairie du
duc ne semble pas avoir été relevé ...
©Paris, BnF, Fr. 2258. Cérémonies des gages de bataille, f. 2. Armes
de Bretagne dans l'initiale. Un des manuscrits du duc de Bretagne François II.
Numérisé sur
Gallica.
Biblio :
Gaston Raynaud, Rondeaux et autres poésies du 15e siècle, pub. d'après
le manuscrit de la Bibliothèque nationale [ en
ligne ]
Sylvie Lefèvre,
Antoine de la Sale : La Fabrique de L'oeuvre et de L'écrivain, Droz,
2006, p. 230. - Sur François II, Diane Booton, "Guillaume Fichet’s Literary
Gift to Duke François II of Brittany", dans Nottingham Medieval
Studies, LIII (2009)
En ligne -